lundi 14 avril 2008

Des nouvelles et une video

Chers tous,

Milles excuses ! Nous n’avons pas donné de nouvelles depuis bien longtemps, pour la simple (et rassurante) raison que notre tournage s’est intensifié depuis une dizaine de jours. Après deux mois de rencontres et de creusage de méninges, nous nous sommes concoctés un mois d’avril bien chargé qui nous a éloigné de nos claviers et appareils photos.

Pour nous faire pardonner nous avons préparé une courte vidéo de ce que nous venons de tourner dans la région du Konkan, berceau des Bene Israel depuis 2000 ans, et plus précisément dans la ville d’Alibag.


Nous y avons interviewé le hazzan de la communauté, Jacob Dandekar, 76 ans, qui trois fois par jour prie seul sur son autel. De fait, il ne reste plus que cinq familles Bene Israel a Alibag, qui ne viennent à la synagogue que pour les fêtes importantes. Être le témoin d’une telle scène laisse pantois. D’un cote, le voir perpétuer des rites juifs dans ce petit coin perdu de l’Inde est sublime, mais de l’autre, la solitude de ce vieux monsieur n’ayant personne à qui souhaiter « shabbat shalom » le samedi matin brise le coeur. Nous avons demandé à M. Dandekar de nous guider à travers le cimetière de Navgaon, un lieu-dit où auraient débarqué les ancêtres des Bene Israel. Ce fut l’occasion de revenir sur les prémisses de la communauté, une séquence que nous intégrerons au début de notre film pour y donner une profondeur historique.

Voici un extrait de cette scène, montée depuis notre chambre à Bombay et donc loin de la version finale :



Nous avons aussi interviewé Levi Wakrulkar, propriétaire d’un magasin de glace situé dans une rue appelée « Israel Lane » en référence aux nombreuses familles juives qui y résidaient encore récemment. Nous sommes revenus avec lui sur l’histoire récente d’Alibag, où sa famille est installée depuis sept générations, et sur l’émigration de masse vers Israël des années 50 et 60. Aujourd’hui, son fils Adiel, âgé de 15 ans, est le plus jeune juif de toute la région.

Si nous comptons retourner une dernière fois à Alibag, le reste de notre tournage se déroulera à Bombay. Nous continuerons à passer du temps avec nos personnages principaux, Sharon et Sharona Galsulkar, et Natasha Jospeh. Lors de ces quatre semaines nous les filmerons à travers différentes situations et interactions : au travail, chez eux, avec leur famille, leurs amis, dans les rues de Bombay, à la synagogue, pendant Pessah, pour Yom Hashoah, etc.

Nous nous sommes intéressés à ces personnes-là car elles ont en commun de prendre une part active au sein de leur communauté, avec l’espoir de la faire évoluer. Mais de ce terreau commun ils ont construit des parcours singuliers. Si Sharon et Sharona ont épousé des pratiques religieuses orthodoxes, Natasha ne croit pas aux prières. D’autre part, ils ne nourrissent pas les mêmes rapports à l’Inde et à Israël. Enfin, Sharon et Sharona sont les parents de deux petites filles et doivent faire leurs choix en conséquence, tandis que Natasha est à l’orée de sa vie de femme.

Si le temps nous le permet, nous essaierons d’écrire une dernière chronique depuis Bombay ; mais si le tournage s’avérait trop prenant, nous vous demandons dès maintenant de bien vouloir patienter jusque notre retour en France début mai.

Pour finir, nous voudrions partager avec vous notre expérience des fêtes hindoues Holi et Rang Panchami, qui célèbrent le premier jour du printemps. Pour communier lors de ce renouvellement de la vie après l’hiver (qui ne ressemble certainement pas au désert de grisaille et d’arbres nus que l’on connaît à Paris) les Indiens font brûler d’immenses feux de bois dans les rues le soir venu. Le lendemain, pour Rang Panchami, ils interrompent totalement la vie active du pays pour se consacrer à une gigantesque bataille d’eau et de couleurs ! À Bombay, Savitri nous a convié dans son immeuble, où, munis de pigments multicolores et de seaux d’eau, nous avons « affronté » ses voisins du dessus dans la plus grande hilarité.

C’est une véritable joie de l’œil et de l’âme que procure la traversée de ces rues où des milliers de personnes exhibent leurs corps peinturlurés avec un grand sourire. À l’heure de la mondialisation, nous devrions aussi penser à importer dans nos villes et pays cette merveilleuse façon de célébrer le retour de la vie dans la Nature.