lundi 26 mai 2008

De Retour à Paris

Après 88 jours et 88 nuits passés en Inde, nous sommes finalement revenus à Paris le 03 Mai, le cœur et l’âme marqués à jamais par ce Voyage, et les valises alourdies de 75 heures de rushes, promesse de plusieurs mois d’un travail auquel nous nous sommes déjà attelés. Ces 75 heures sont composées de scènes de nature différentes, que l’on peut regrouper en quatre familles.

Des entretiens en marathi, réalisés dans les villages du Konkan au sud de Bombay, avec des personnages qui donneront une idée de ce que la vie des Bene Israel a pu être pendant des siècles : Jacob Dandekar, vieux hazzan de la synagogue d’Alibag, habitué à prier seul ; Levi Wakrulkar, en charge d’égorger poulets et agneaux selon les lois de la cacheroute, et le boucher chez qui il effectue sa tâche ; son fils Aadiel, le plus jeune Bene Israel de la région, et ses amis fans de cricket.
Des entretiens en anglais réalisés à Bombay, avec nos personnages Bene Israel et leurs amis non juifs : Sharon et Sharona, trentenaires religieux, en instance de départ vers Israël – ils sont nos personnages principaux ; Dev, le meilleur ami de Sharon, activiste auprès des jeunes de bidonvilles ; Natasha Joseph, licenciée en Littérature et Psychologie et jeune employée du Jewish Community Center (JCC) ; ses trois amies (une chrétienne, deux hindoues) Namrata, Ketaki et Priya, viscéralement attachées à l’Inde ; ses parents M. et Mme Joseph ; la directrice du JCC, Leora Ezekiel ; deux jeunes volontaires du JCC, Adir et Meirah Bhastekar ; le secrétaire de l’Agence Juive à Bombay, M. Daniel Samuel.


Des scènes de vie quotidienne et liturgique : au travail, à la maison, dans les transports en commun, priant à la synagogue, préparant et célébrant Pourim, égorgeant un poulet, jouant au cricket, etc.
Des prises de vue de Bombay et du Konkan, montrant tant la beauté que la brutalité de cette ville gigantesque, et l’étonnant mélange médiévalo-moderne de la région.


Le soir de notre départ, à la fin d’un dernier mois de travail très intense, nous pouvions nous féliciter d’avoir recueilli presque tout ce que nous avions espéré. Seule la cérémonie de Pessah (la « Pâque juive ») aura échappé à notre caméra, car, comme nous l’avons appris sur place, la religion interdit de filmer lors des deux premières journées de la fête.

Avant de nous envoler pour la France, notre sentiment de gratitude était immense. Cette expérience humaine, professionnelle et spirituelle n’a été possible que parce que nous avons rencontré des personnes généreuses, des familles qui nous ouvert les portes de leurs maisons comme de leurs cœurs, qui ont accepté de partager – à voix haute et devant la caméra de deux jeunes occidentaux – des questions parfois douloureuses, des vérités indigestes, mais aussi des espoirs et des rêves. Notre espoir est de ramener un film qui permettra aux spectateurs de vivre un peu de ces moments, de ces dîners, de ces discussions, qui pour longtemps encore résonneront contre les parois de nos âmes.

La satisfaction de ce séjour a aussi reposé sur notre collaboration fructueuse avec Savitri, notre collaboratrice sur place, qui du premier au dernier jour a compris l’esprit du projet, y apportant sa touche d’intelligence et de malice, et sur notre familiarisation avec notre environnement, où du vendeur de chaï à l’employé de la guest house l’accueil aura été d’une chaleur merveilleuse.


Depuis deux semaines nous avons entamé un travail de fond consistant à digitaliser les cassettes (c’est-à-dire à transférer leur contenu sur des disques durs) et à retranscrire la trentaine d’heures d’entretiens en anglais. Ce labeur, long et minutieux, nous permet de rentrer en profondeur dans le contenu de ces discussions et ainsi d’en sélectionner les parties les plus poignantes. D’ici une dizaine de jours nous commencerons à sélectionner les rushes pour n’en garder que les parties utilisables, puis les meilleures portions. Alors nous pourrons travailler à l’ossature du film et à l’enchaînement des séquences.

Revenir sur ces entretiens nous rappelle aussi la chance que nous avons eu de rencontrer ces personnes-là. Sur un groupe de 4000 personnes, il n’était pas évident de savoir qui exprimerait le mieux les problématiques contemporaines de la communauté, et notre choix s’est finalement porté sur des personnages actifs, dévoués à la cause des Bene Israel, et tiraillés par des perspectives différentes.

Finalement, la diversité de ces trajectoires et de ces images nous donne la matière pour faire un film qui couvrira trois thèmes différents :
• la nature du Judaïsme, les particularités inhérentes à la diaspora du peuple juif et le rapport à Israël
• le questionnement profondément humain entre rapport spirituel au créateur et attachement à une ou plusieurs terres
• les transformations de l’Inde, un pays fascinant tant par ces traditions que par sa façon d’embrasser le XXIème siècle




Nous aimerions conclure ce blog en remerciant toutes les personnes qui nous ont soutenu tant financièrement que moralement depuis cinq mois. Grâce aux nombreuses donations et multiples encouragements reçus lorsque nous étions en Inde, ce projet a pu être réalisé et notre enthousiasme sans cesse revigoré. Merci à tous du fond du cœur.